Ce sont des enfants !
Récit d’une scène de la vie quotidienne :
Ce matin, je l’avoue, je ne me suis pas levé du bon pied. Nous avons d’importantes factures à régler pour la maison et les enfants n’est pas ma priorité ! Et en plus, nous avons des problèmes sur un chantier de rénovation qui doit être livré en temps et en heures. Je suis déjà en retard quand je vais réveiller mon fils pour aller à l’école. Je suis pressé et énervé, car je dois moi aussi me préparer pour aller au travail.
─ Allez, réveille-toi ! C’est l’heure !
─ Hein, quoi ?
─ Oui, ton réveil a sonné depuis un moment. Tu ne l’as pas entendu ?
─ Non, je ne crois pas !
─ Comme d’habitude. Tous les matins, c’est la même histoire. Tu es grand, maintenant. Il serait temps que tu te lèves et que tu t’habilles tout seul !
─ Est-ce que tu peux me sortir mes affaires ?
─ Quoi ? Tu n’es pas capable de les sortir tout seul ? Bon, je vais le faire, mais la prochaine fois, tu prends tes affaires tout seul, comme un grand, d’accord ?
─ Tu peux sortir de la chambre, s’il te plaît !
─ Pour quoi faire ?
─ Ben, pour que je puisse m’habiller ! Je ne veux pas que tu me voies !
─ Franchement, pour ce qu’il y a à voir ! Mais ne m’oblige pas à revenir trois fois comme tous les matins !
Dix minutes plus tard :
Après m’être rasé et habillé, je rentre de nouveau dans la chambre de mon fils :
─ Quoi ?! Tu n’es pas encore habillé ! Mais enfin, je ne vais quand même pas être obligé de te passer ton T-shirt, quand même ?! Tu es assez grand !
─ Je t’ai dit de me laisser !
─ Oui, mais comment je fais ?! Si tu ne t’habilles pas tout de suite, tu n’auras pas le temps de déjeuner ! Allez, dépêches-toi maintenant ! Il faut que je me fâche ou quoi ?
─ Je vais m’habiller tout seul, t’inquiètes !
─ Oh, Je ne m’inquiètes jamais avec vous, mais tu as vu l’heure ?
─ Je vais m’habiller. Mais ne t’énerves pas, s’il te plaît !
─ Oh, écoutes, je m’énerve si je veux. Ce n’est pas toi qui vas me dire ce que je dois faire ! Et puis je m’énerve parce que tu ne fais pas ce que je te demande ! Si tu étais déjà habillé, je n’aurais pas besoin de m’énerver !
Mon fils a enfin réussi à se traîner dans la cuisine :
─ Allez, dépêche-toi de déjeuner ! Tu vas être en retard, si ça continues ! Et regarde-moi comment tu manges, tu en fiches partout ! Il y a des jours où je me demande ce qui m’a flanqué un fils empoté pareil ! Il y a des céréales et du lait partout sur la table. Pour un peu, tu t’en serais mis sur ton pantalon et ton T-shirt et il aurait fallu tout recommencer ! Et puis tu aurais pu te coiffer, au moins, regarde-moi la tête que tu as. On dirait un déterré.
─ Tu voulais que je me dépêche, alors je me suis dépêché. Mais tu me stresses à la fin !
─ Ça c’est la meilleure ! Je te stresse ?! Mais toi aussi, tu me stresses, tous les matins, c’est pareil, je commence à en avoir marre !
Nous arrivons enfin à monter en voiture :
─ Et ton cartable, tu ne veux pas que ce soit moi qui le porte, quand même ? Tu es assez grand !
Le trajet jusqu’à l’école n’est pas long, mais nous restons particulièrement silencieux. Nous arrivons devant les grilles qui sont en train de se fermer. Mon fils s’approche de moi pour me faire un bisou et un câlin. Et je le repousse encore en lui disant :
─ Allez, ferme ton blouson et mets bien ton écharpe. Avec le froid qu’il fait, tu serais capable de te rendre malade, exprès pour ne pas aller à l’école.
Son regard m’a réveillé
Il m’a regardé une dernière fois avec un regard de haine dans le regard. J’ai eu le temps d’apercevoir de grosses larmes grossir ses yeux avant qu’il ne claque violemment la portière. Et c’est là que j’ai compris toutes les erreurs que j’avais alignées en seulement quelques minutes ce matin. Je suis sorti de la voiture. J’ai couru après mon fils.
Et j’ai réalisé que les enfants sont ainsi
─ Pardonnes-moi ! Je suis trop sévère avec toi. Je fais ça pour ton bien et parce que je crois bien faire. Mais en fait, je viens de me rendre compte que tu as besoin d’affection et d’encouragements. Pas que je sois tout le temps derrière ton dos à te dire ce que tu dois faire ou ne pas faire. C’est vrai, tu es un enfant. Tu n’es pas parfait, mais moi non plus je ne suis pas parfait.
D’ailleurs, qui peut se vanter d’être parfait en ce bas-monde ?! Je te promets qu’à partir d’aujourd’hui, je n’oublierai jamais que tu es un enfant. Et je te laisserai faire tes erreurs et tes expérimentations. Et je sais que tu arriveras à franchir les étapes et à faire ce qu’il faut, quand cela sera venu le temps pour toi. Mais cela ne sert à rien que je sois trop exigeant. Tu veux bien que je te serre dans mes bras ?
─ Pas devant tout le monde ! Tu me fais honte ! À ce soir, papa !
─ Fais-moi un bisou au moins !
Alors, d’après vous, c’est une histoire vraie ? Vous êtes-vous reconnu, ou avez-vous reconnu quelqu’un de proche, votre mari peut-être ou votre voisin ? Dites-le nous dans les commentaires.
Sommes-nous trop exigeants vis-à-vis de nos enfants ?
Avouons que nous sommes tous un peu comme ce père trop exigeant, moi le premier. Non par manque d’amour, mais par manque de compréhension des stades d’évolution et des temps inhérents à tous les apprentissages. Nous voulons le meilleur pour nos enfants, et c’est normal. Et nous exigeons beaucoup d’eux. Parfois trop par rapport à leur âge et à leurs capacités.
Dès leur naissance, nous voulons qu’ils fassent leurs nuits. Nous nous levons tôt pour aller travailler, et ces nuits bouleversées nous fatiguent. Nous n’arrivons déjà plus à supporter leurs cris incessants, qui réclament le sein ou le biberon. Alors, éventuellement, nous laissons la mère gérer toute seule ces inconvénients. « De toute façon, elle est en congé maternité, mais, moi, je travaille. Je ne vais pas pouvoir continuer comme ça. Sinon, je vais me faire virer ! Qu’est-ce qu’on deviendrait tous les trois, ou tous les quatre ou les cinq, si je n’ai plus de travail. »
Et s’il y a déjà un ou deux enfants encore en bas-âge, c’est encore pire, car en plus du dernier, il faut s’occuper du ou des aînés qui ne comprennent pas toujours que papa et maman ne soient pas aussi disponibles qu’avant.
Ensuite on veut qu’ils commencent à marcher rapidement, qu’ils arrêtent le biberon, qu’ils soient propres, qu’ils arrêtent de faire des comédies pour aller à l’école, qu’ils se tiennent droit, qu’ils ne mangent pas avec leurs doigts, qu’ils ne renversent pas leur verre, qu’ils ne fassent rien tomber, qu’ils s’habillent tout seuls, qu’ils prennent leur douche, qu’ils sachent lire, qu’ils sachent compter, qu’ils ne fassent pas de fautes d’orthographe, qu’ils connaissent la grammaire, la géographie, l’histoire, qu’ils comprennent tout à la mémoire de l’eau, aux logarithmes népériens et à la mécanique quantique…. STOOOOOOP ! Ce sont des enfants !
Laissons-les expérimenter et profiter de leur enfance.
Il leur faut du temps pour apprendre, pour maîtriser leur corps, pour percevoir les sons, pour les reproduire, pour arriver à identifier les lettres, pour reconnaître les phonèmes. Vous croyez qu’ils ne font pas d’efforts ? Vous vous souvenez, vous de cet âge où vous avez fait tous ces apprentissages ? Moi, pas vraiment. Alors on se dit que cela a dû bien se passer ! Puisqu’on n’a pas de souvenir ! Mais qu’est-ce qu’on en sait en réalité ? Nous ne sommes pas dans leurs têtes. Ils font certainement plus d’efforts que nous ne le pensons.
Le temps d’apprendre
Ne soyons pas trop exigeants vis-à-vis de nos enfants. Laissons-leur le temps d’apprendre. Laissons leur profiter de leur enfance. Ce dont ils se souviendront probablement le plus, ce seront ces bons moments passés à ne rien faire, à flâner, à jouer avec nous. C’est là qu’ils puiseront la force et la confiance en eux dont ils auront besoin. Ils ont bien le temps avant de rentrer dans ce monde des adultes qui les rattrapera de toute façon suffisamment tôt.
Alors laissons-leur faire ce qu’ils ne pourront plus faire quand ils seront grands : respirer, marcher pieds nus dans l’herbe, se balader en forêt, écouter le chant d’une mésange, caresser un chien, aller voir un tigre au cirque ou au zoo, construire une cabane dans les arbres, sauter dans les flaques, faire des batailles de boules de neige et construire un bonhomme de neige, s’allonger dans l’herbe, etc. Est-ce que finalement ces choses ne sont pas au moins aussi importantes que celles que nous exigeons ? Finalement, qui est-ce qui se met le plus souvent en colère pour obtenir ce qu’il veut ? Est-ce eux, ou nous ?
Laissons les vivre
Laissons-leur le temps pour développer leurs apprentissages, en fonction de leur personnalité et de leurs capacités. Chaque enfant est unique. Donc chaque enfant va progresser à son rythme. Mais ayons confiance en la nature humaine et en nos enfants. Ils s’en sortiront. Avec ou sans nous. Soyons là, mais ne soyons pas trop présents. Laissons-les vivre. Observons-les. Guidons-les. Mais ne tentons pas de les façonner à l’image qui nous voudrions qu’ils soient. Oui, ils sont comme ils sont. Et ce qu’ils sont ne correspond peut-être pas à l’image que nous nous faisions d’eux. Et bien, c’est comme ça. Ce n’est ni bien ni mal : c’est comme ça. C’est-à-dire que nous n’y pouvons rien. Ce ne sont encore que des enfants.
Est-ce que les aimer vraiment, ce n’est pas les aimer avec leurs défauts, leurs travers, leurs lacunes et en un mot leur personnalité, plutôt que de les aimer tel que nous voudrions qu’ils soient, de vouloir les façonner à cette image, et d’être soi-même déçus que cela ne corresponde pas à ce que nous attendons d’eux ?
Ah je me reconnais dans cet exemple!!! J’ai parfois tendance à vouloir qu’ils soient grands plus vite que le temps.
L’ief me permet d’avoir moins d’attente et de les laisser faire à leur rythme. De lean voir évoluer dans des domaines divers, de nous épater avec leur aptitude à faire faire telle ou telle chose. Mais parfois les mauvaises habitudes refont surface et je me vois leur demander de tout faire « comme des grands ».
Merci pour ce beau texte. Et laissons les enfants être des enfants !!!
Merci pour ce commentaire. Ce n’est pas toujours facile…de regarder nos enfants grandir, sans vouloir y projeter nos propres rêves, nos propres envies et nos propres désirs. Mais en faisant ça, nous ne leur rendons pas service.